Parce qu’on ne s’appelle pas tous « Coca Cola », déposer une marque à l’international peut représenter de nombreux défis. Voici une étude de cas où vous vous retrouverez… ou pas ! Cette étude est commentée par notre mentor Maître Céline Bondard.
Portrait de notre start-up imaginaire
Imaginons une start-up de la FoodTech : Foodista (oui, ça me plait). Cette start-up française développerait et commercialiserait la première vaisselle connectée et équipée de capteurs. Assiettes, fourchettes, et couteaux… Tout pour suivre et partager en temps réel sur une application smartphone les repas des utilisateurs : mesures caloriques, présences ou non d’allergènes, prises et partages de photos simplifiés, etc.
Imaginons que les fondateurs de Foodista, Laura et Jérémy, aient déposé ce nom de marque en France en 2015 après s’être bien sûr assurés auprès de l’INPI que le nom était disponible.
Tout fonctionne très bien pour Foodista, qui réalise plusieurs levées de fond, trouve son marché, et génère un chiffre d’affaires croissant. En 2017, Foodista décide donc de se tourner vers l’international pour ouvrir son marché à de nouveaux défis. Après mûres réflexions, deux marchés sont évoqués : la Belgique et les Etats-Unis. Que va-t-il advenir de leur marque sur ces marchés ? Quelles questions devront-ils se poser… et quelles sont les réponses à apporter.
Eclairage avec Céline Bondard, avocate du cabinet Bondard et mentor d’AcceleRise.
Question #1 : les options pour sortir la marque des frontières françaises
En 2015, Laura et Jérémy ont donc déposé la marque « FoodIsta » auprès de l’INPI. C’est un nom de marque française – « et donc valide uniquement sur le territoire français, car l’enregistrement de la marque est toujours territorial », précise Me Bondard.
Au moment du dépôt initial, deux autres options auraient pu intéresser nos fondateurs : la marque communautaire (protection de marque sur l’ensemble des pays de l’Union Européenne) et la marque internationale. « Cette demande d’extension à l’international est à faire à partir du dépôt initial auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et pour une destination précise des pays concernés. Il est possible également de désigner l’Union Européenne à partir d’une marque internationale. »
Dernière option, celle retenue dans notre exemple : au fur et à mesure des besoins d’internationalisation, déposer la marque dans chaque pays de façon individuelle – ici, la Belgique et les USA.
Question #2 : le choix du nom
Le nom français de la marque (« Foodista », donc) est-il adapté aux pays visés par Laura et Jérémy ? Pour Me Céline Bondard, ce type de nom présente un écueil : « Tout comme on ne peut pas appeler une marque de beurre ‘beurre’, le terme ‘food’ peut être considéré comme descriptif, et risque de ne pas pouvoir être enregistré. En fait, les termes anglais descriptifs sont de plus en plus difficiles à déposer en France : tout le monde parle anglais, et passer par cette langue ne suffit plus nécessairement à rendre la terminologie moins descriptive. » En revanche, un point positif : « le suffixe ‘dista’ permet d’augmenter le niveau d’originalité – grâce à ce suffixe, la marque pourrait éventuellement être considérée non plus comme ‘descriptive’ mais comme ‘arbitraire’. »
Autre point crucial sur lequel Laura et Jérémy devront être vigilants : le mot foodista est un terme existant et très utilisé par les anglo-saxons. Il est donc fort possible qu’une entreprise ait déjà déposé ce nom comme marque sur le territoire américain…Bingo ! Une simple recherche sur Google nous le confirme : Foodista est déjà pris (http://www.foodista.com/static/about). Pour le marché belge, il est possible de vérifier la disponibilité de la marque en ligne : la Belgique possède un site similaire à celui de l’INPI – boip.int.
En revanche, Me Bondard insistera auprès de Laura et Jérémy sur la complexité de ces recherches : « s’interroger sur l’antériorité d’une marque, c’est bien… mais il est risqué de penser que l’on peut faire ces recherches seuls : on risque de louper des concurrents potentiels. La similarité entre deux marques et la concurrence potentielle s’examinent à plusieurs niveaux : il ne suffit pas de vérifier qu’il n’existe aucune marque identique… D’où l’intérêt de faire appel à un cabinet d’avocats ou un conseil en propriété industrielle ».
Pour un nom de marque « internationalisable », le conseil de Me Bondard : « Laissez parler votre imagination et inventez de nouveaux noms ! Avec un nom inventé, il y a moins de risque que la marque soit déjà déposée quelque part. »
Conseil #3 : la délicate question du timing
« Déposer un nom de marque à l’international peut être plus ou moins long… voire très long », m’explique Me Bondard.
« Tout dépendra de vos priorités, de votre stratégie, et des territoires visés.»
Dans notre exemple, Laura et Jérémy ont déposé leur marque en France en 2015. Il n’est donc plus possible pour eux de bénéficier du « délai de priorité ». « Le délai de priorité permet d’étendre le dépôt d’une marque à l’étranger dans un délais de 6 mois après le dépôt initial auprès de l’INPI », précise Me Bondard. En d’autres mots, passés ces 6 mois, tout se complique. Ou pas. « Ça ne sert à rien de se précipiter pour bénéficier de ce délais de priorité. Il faut d’abord penser à la réalité du terrain et aux coûts engendrés. »
Auraient-ils dû profiter de ce délai de priorité avant que Foodista ne soit pris par une autre entreprise sur le sol américain ? … Who knows, huh? Une chose est sûre : Laura et Jérémy vont devoir prendre le temps pour choisir et déposer un autre nom de marque aux USA. Et pendant ce temps, ils pourront, en parallèle, procéder au dépôt en Belgique.
Conseil #4 : s’entourer d’experts
« Au cœur du dépôt de marque à l’international, il y a la question de la capacité à défendre ses intérêts », précise Me Bondard. Dans mon monde et avec mon vocabulaire de profane, on dirait : « la vraie question, ce sont les sous ». Car si en France, le dépôt d’une marque coûte quelques centaines d’euros, aux USA, le budget est souvent beaucoup plus important et très variable.
D’où l’importance de se faire bien conseiller. Laura et Jérémy ne sont pas des téméraires : diplômés d’une école de commerce pour l’une et d’une école d’ingénieurs pour l’autre, ils ont bien des difficultés à estimer eux-mêmes le budget à consacrer, et se tournent vers un cabinet de conseils.
« Il n’est pas possible de traiter seuls de ces questions. Le monde juridique est très complexe et chaque pays obéit à ses propres règles en termes de dépôt de marque. Il est indispensable de se faire conseiller : cabinets d’avocats, correspondants sur place, conseillers. Ils sauront vous orienter. »
Vous pouvez retrouver tous les conseils de Me Céline Bondard ici.
Par Christophe Breuillet
Directeur de Vitagora et CEO d'AcceleRise, Christophe est notre chef d'orchestre ! Ses domaines d’expertise : le développement d’entreprise, la croissance à l’international, les stratégies d’influence… en bref, le « business », sous tous ces angles. Contactez-moi : christophe.breuillet@vitagora.com