Pour les grandes entreprises, les projets entrepreneuriaux sont un moyen de gagner en agilité, au bénéfice de tout l’écosystème d’innovation agroalimentaire et agricole. Mais les services actuels d’accélération et de soutien sont souvent concentrés sur les start-ups, voire même, s’y limitent. Il est grand temps de revoir nos modèles d’accélération traditionnels pour le bien de l’intégralité de l’écosystème de l’innovation.

 

Le défi : développer son agilité

Le paysage de l’industrie agroalimentaire évolue à une vitesse fulgurante, bouleversé par les nouveaux comportements de consommateurs, les nouveaux usages, et les nouvelles technologies. De nombreuses opportunités d’innover émergent, où les grandes entreprises cèdent parfois la place à des acteurs plus souples et plus petits comme les start-ups. Entre 2011 et 2015, sur le marché américain uniquement, les grandes entreprises agroalimentaires ont perdu 18 milliards de dollars au profit de petites entreprises. (source : Foodinstitute.com)

 

Les grandes entreprises sont depuis longtemps confrontées à la problématique des procédés d’innovation, tiraillées entre le besoin impératif de préserver leur avantage compétitif en secret et le potentiel de développement que représentent l’ouverture aux innovations externes. Ces dernières années, l’open innovation s’est popularisée, mais dans un format où une équipe (voire même une seule personne) continue de filtrer les flux d’offres et de demandes d’innovation.

 

Pourtant, avec mon expérience de directeur de pôle de compétitivité (nous comptabilisons plus de 440 membres dont un nombre significatif de grandes entreprises), je sais qu’il s’agit là d’un vrai verrou : au lieu d’améliorer la capacité et la rapidité de l’entreprise à capter de nouvelles idées, ce modèle d’open innovation engendre un goulot d’étranglement qui freine l’agilité et ne réussit pas à libérer les projets d’innovation de la lourdeur des règles et procédures.

 

L'intrapreneuriat : récompenser la prise de risques

Une autre solution, plus récente, pour développer la souplesse d’innovation des grandes entreprises, et qui gagne en intérêt auprès des multinationales, est celle de l’intrapreneuriat. Selon Wikipedia, l’intrapreneuriat correspond à « l'ensemble des démarches et méthodes permettant d'introduire une gestion entrepreneuriale au sein d'une organisation, les salariés devenant des intrapreneurs, c’est-à-dire des entrepreneurs au sein même de l'organisation en développant leur degré d'autonomie et de responsabilité. » Plus concrètement, il s’agit d’encourager, et même de récompenser, la prise de risques des salariés.

 

Au sein du réseau de Vitagora, on trouve plusieurs exemples d’intrapreneuriat, comme le Crédit Agricole, le groupe Poult, et le géant américain de l’agroalimentaire, General Mills.

 

Bien que l’intrapreneuriat ne soit pas un concept nouveau (il date des années 70), je le trouve totalement dans l’air du temps : une étape positive vers le bouleversement de la culture usée du monde des affaires, de moins en moins attractive pour les nouvelles générations de travailleurs. En effet, une étude récente a démontré que 64% des millennials estiment prioritaire de rendre le monde meilleur, et que 72% d’entre eux aimeraient être leur propre patron.

 

Il n’est donc pas surprenant que les grandes entreprises perdent des talents créatifs au profit de la création de start-ups, dont de nombreuses dans le domaine alimentaire. En adoptant la démarche d’intrapreneuriat, ces sociétés vont pouvoir conserver des talents prêts à éclore au sein même de leur entreprise.

 

Les défis de l’intrapreneuriat

La plus grande différence entre un entrepreneur et un intrapreneur réside dans le fait que ce dernier n’est pas « propriétaire » de son propre budget, et doit intégrer des attentes de forte scalabilité. Ceci mis à part, les défis relevés par l’un ou par l’autre sont très similaires. Les intrapreneurs, tout comme les entrepreneurs, doivent s’entourer d’une équipe aux compétences complémentaires ainsi que d’experts de confiance. Grâce à la multitude des compétences réunies au sein d’une entreprises, il peut être très rapide pour les intrapreneurs de réunir leur équipe.

 

Vient ensuite l’acquisition des domaines de connaissance additionnels, comme par exemple, la gestion financière, la protection de la propriété intellectuelle, l’expertise juridique, etc. Alors que les entrepreneurs ont tout un choix de soutien pour y répondre (incubateurs, accélérateurs, business angels, etc.), les intrapreneurs ont peu de solutions « tout en un » (en dehors des consultants) et qui ne demandent pas de s’appuyer sur des services internes de l’entreprise. Cela induit une perte inévitable de souplesse et de rapidité d’action, et donc, de compétitivité, en retournant à la problématique initiale de lourdeur organisationnelle.

 

Un nouveau modèle de services d’accélérateur

Que pouvons-nous donc faire pour soutenir les projets d’intrapreneurs ?

 

La première option est de revoir nos modèles actuels d’accélérateur dans l’agroalimentaire. Les modèles standards basés sur la prise de participation sont un vrai atout pour le paysage de start-ups, mais n’apportent que trop peu de soutien aux intrapreneurs.

 

C’est là qu’un modèle fondé sur le service, sans prise de participation, et ancré dans un écosystème pertinent, comme celui qu’a construit Vitagora avec ToasterLAB, peut être très utile. Notre but est d’apporter une solution agile, facilement adaptable à tout une variété de types d’entreprises à accélérer : start-ups, PME, spin-offs, projets intrapreneuriaux… Pour les intrapreneurs, cela signifie avoir accès au même accompagnement d’accélération que les start-ups, avec tous les bénéfices d’un fonctionnement indépendant (rapidité, souplesse, prise de risques) combiné aux bénéfices de leur grande entreprise (scale-up rapide, prise de risque non-individuelle, etc.).

 

En conclusion, je voudrais répondre à la question « devons-nous soutenir les projets intrapreneuriaux si nous pouvons le faire ? ». Après plus de 12 ans à construire et développer le pôle de compétitivité Vitagora, ma réponse est un « oui » franc. Je suis convaincu du rôle essentiel des grandes entreprises agroalimentaires dans les écosystèmes régionaux, nationaux, et même internationaux, qui permettent aux innovations de prendre de l’ampleur sur de nombreux marchés, et qui utilisent leur échelle et leurs ressources pour donner plus d’ambitions à des projets initiés par de plus petits acteurs, sans détriment à la création de start-ups. Toute tentative des grandes entreprises à gagner en souplesse bénéficiera, sans le moindre doute, à l’ensemble de l’écosystème tout autant qu’aux consommateurs.

 

Il y a une opportunité pour nos accélérateurs de l’agroalimentaire d’innover dans leur offre de service et dans leur business model, pour offrir à ces acteurs essentiels les moyens de contribuer encore plus à l’essor de l’intégralité de l’écosystème d’innovation agroalimentaire.

 

 

 

 

Par Christophe Breuillet

Directeur de Vitagora et de ToasterLAB, Christophe est notre chef d'orchestre ! Ses domaines d’expertise : le développement d’entreprise, la croissance à l’international, les stratégies d’influence… en bref, le « business », sous tous ces angles. Contactez-le par e-mail : christophe.breuillet@vitagora.com.